La question de l’immigration est sensible, elle fait appel à l’histoire de chacun et porte en écho le sujet de l’intégration qui suscite bien des interrogations dans notre pays. Prendre la question de l’immigration à bras le corps, tant au niveau national qu’européen, est fondamental.
Comme nos concitoyens, je mesure les difficultés actuelles : renforcement des flux migratoires sous l’effet des conflits, de la pauvreté, et de l’espérance d’une vie meilleure ; des procédures obscures et sans fin qui empêchent les pouvoirs publics de mettre en oeuvre des décisions qui prises trop tardivement deviennent inopérantes ; trappe à la pauvreté pour celles et ceux qui demeurent dans l’illégalité, parfois même en travaillant, dévoiement du droit d’asile qui embolise nos tribunaux.
Les pouvoirs publics doivent à la fois permettre une meilleure intégration de celles et ceux qui ont vocation à rester sur notre sol, en posant des exigences sur les conditions de l’intégration, rendre plus efficaces nos procédures pour reprendre le contrôle sur la mise en œuvre de nos propres décisions, et lutter contre les fillières d’immigration illégale.
Je soutenais la volonté du gouvernement de légiférer sur le sujet de l’immigration
J’étais dès lors favorable à la philosophie du texte présenté par le gouvernement. L’intégration et la régularisation par le travail étaient pour moi, des points essentiels sur lesquels je travaillais. Je m’étais personnellement engagée en signant une tribune issue d’une initiative transpartisane appelant à l’inscription de mesures concrètes dans le sens de la régularisation par le travail. Au-delà des mesures issues du texte initial, dans la lignée de mon rapport sur le “Quick Commerce”, j’avais d’ailleurs prôné, par des amendements en Commission, pour la régularisation des livreurs indépendants, travailleurs des plateformes, grands oubliés de la circulaire Valls et des mesures proposées dans le projet de loi.
Le texte du gouvernement avait été profondément remanié, complexifié et durci par le Sénat, à majorité de droite, mais le compromis voté par la commission des lois (et des affaires étrangères) me paraissait être une base de travail intéressante. Le débat qui se profilait était une opportunité de remettre de la rationalité dans un débat souvent traversé par les émotions et partir de la réalité permet de trouver les solutions adéquates.
Les oppositions se sont volontairement auto sabordé en refusant de légiférer
Lundi 11 décembre, la NUPES, le RN et les LR, contre toute cohérence idéologique, se sont auto sabordés en refusant d’assumer leur rôle de parlementaires. La séquence qui s’est ouverte par la suite n’était que la suite de cette capitulation. Alors que tous expliquaient que le sujet immigration était majeur, ils ont voté pour empêcher le débat et le travail parlementaire en séance publique de se poursuivre. Cette attitude est irresponsable : à l’extrême-droite, ces élus nous expliquent quotidiennement que la question est vitale mais refuse de présenter leur projet. A gauche, ces élus nous font des leçons de morale, alors même qu’ils empêchent le débat et l’évolution du texte.
Dans les deux cas, c’est une remise en cause du rôle du parlement.
Le choix a été fait de poursuivre le processus législatif, comme nos textes le prévoient, en convoquant une commission mixte paritaire pour étudier le seul texte voté, celui du Sénat. Dans cette situation, le texte issu de la CMP ne pouvait être celui de l’Assemblée, ni celui du gouvernement mais bien un texte de compromis avec le Sénat.
Les membres de la majorité de la CMP, et notamment ma collègue Elodie Jacquier-Laforge n’ont pas ménagé leur peine pour faire évoluer le texte. Je les en remercie sincèrement.
Des avancées ont pu être intégrées :
sur la régularisation des travailleurs sans papier, une avancée est permise par le texte par rapport à la circulaire Valls en confiant au seul travailleur l’initiative de sa démarche, sans besoin de l’accord de l’employeur ;
les procédures liées au droit d’asile sont simplifiées, pour permettre des décisions exécutées plus rapidement et reprendre ainsi le contrôle de notre politique migratoire ;
la transformation de l’Aide médicale d’Etat en Aide médicale d’urgence a été supprimée ;
la rétention de tous les mineurs dans les Centres de rétention administrative et les Locaux de rétention administrative sera proscrite ;
les moyens pour lutter contre les fillières d’immigration illégale seront renforcés.
L’annonce du RN est une manoeuvre politique
Au regard de ce contient la loi, l’annonce du RN de voter le texte est une supercherie. Rappelons que les représentants du RN s’étaient opposés à tous les textes, celui du Sénat comme celui de la commission des lois, et même le texte de la CMP ! Le RN, une nouvelle fois, pour faire un coup politique, a effectué un virage à 180° pour faire croire que le texte était une émanation de son programme, ce qu’il n’est pas. Car le RN s’est toujours battu contre la régularisation des travailleurs sans papier !
Un texte trop éloigné de l’ambition initiale
Pour autant, je n’ai pas souhaité voter ce texte, notamment en raison de son éloignement de sa vocation initiale et de l’ajout de dispositions qui n’ont pas leur place dans ce texte.
Le texte final prévoit notamment :
le recul sur la question des travailleurs sans papier : la version retenue limite significativement le nombre de personnes qui pourront en bénéficier ; or je considère que les personnes qui travaillent doivent pouvoir, sous conditions, accéder à la régularisation car demeurer dans l’illégalité les maintiennent dans la précarité, sur tous les plans ;
l’exigence d’une caution financière pour les étudiants : si des exemptions seront possibles, grâce à l’action de la majorité, le signal envoyé est négatif au regard de la politique d’accueil que nous menons au niveau international
l’accès restreint aux prestations sociales : aujourd’hui, un étranger en situation régulière ne peut accéder au RSA qu’après 5 années de présence sur le territoire ; élargir le délai de carence à d’autres prestations – APA, APL, allocations familiales – ne me semble pas justifié.
Comme le président de la République l’a annoncé, le texte sera transmis au conseil constitutionnel. Nul doute que certaines dispositions posent une question de constitutionnalité. Ce n’est qu’après son examen qu’il pourra être promulgué.
Une nouvelle fois, je regrette l’image donnée par la représentation nationale : des parlementaires refusant d’écrire la loi, des coups politiciens qui passent avant l’examen au fond. Nos concitoyens méritent mieux.