Après 73h30 de débats à l’Assemblée nationale et 102 heures au Sénat, la commission mixte paritaire composée de 7 députés et 7 sénateurs, a voté le texte portant réforme des retraites. Le gouvernement, considérant que ce texte était majeur pour l’avenir de notre pays, a engagé sa responsabilité en déclenchant l’article 49-3 de la Constitution. Le rejet de la motion de censure déposée par les oppositions a permis l’adoption du texte de compromis issu de la CMP. Le Conseil constitutionnel, saisi au fond, fera connaître sa décision dans les prochains jours.
Ces 6 mois de discussion autour d’un engagement majeur du président de la République me laisse un goût particulièrement amer. Les regrets sont nombreux :
- regret de n’avoir su convaincre nos concitoyens de l’impérieuse nécessité de réformer notre système de retraite pour le préserver : pendant des mois, les oppositions ont martelé qu’une réforme était inutile. Les chiffres sont pourtant limpides : si on souhaite préserver ce que je considère comme le fondement de notre pacte social – la solidarité intergénérationnelle – et face au vieillissement de la population, nous devons assurer son équilibre financier. Ne rien faire consisterait à faire peser la dette des pensions d’aujourd’hui sur les générations futures, ce qui est, par bien des aspects, immoral.
- regret de n’avoir pu débattre à l’Assemblée : il n’y a pas une réforme des retraites, mais des réformes des retraites. Augmenter les recettes, diminuer les pensions, augmenter la durée de cotisation, ces différents leviers méritaient un débat transparent et apaisé. Les oppositions, au premier rang desquelles LFI, par son obstruction systématique et ses outrances, nous en ont empêchés. Le débat a heureusement pu se tenir au Sénat et le travail conjoint des députés et sénateurs a permis le vote d’un texte équilibré.
- regret de ne pas avoir mieux expliqué ce que contenait le texte issu de la CMP : pour assurer l’équilibre financier, les recettes supplémentaires sont indispensables, et c’est le choix qui a été fait avec l’augmentation de la durée de cotisation. Mais laisser penser que tous les actifs, demain, partiront à 64 ans au lieu de 62 ans est un mensonge : de nombreux actifs pourront continuer à partir plus tôt que l’âge légal – les catégories actives et super actives, les personnes ayant commencé à travailler tôt, les métiers reconnus pour leur pénibilité, les travailleurs en situation de handicap ou en invalidité, etc. 4 actifs sur 10 partiront avant 64 ans. En outre, l’augmentation de la durée de cotisation se fera très progressivement, dans la lignée de la réforme Touraine qui a prévu, dès 2014, l’augmentation de la durée de cotisation à 43 annuités (ce qui pour de très nombreux Français a décalé de fait leur âge de départ à la retraite !) Quant à ceux qui ont commencé à travailler tôt – avant 21 ans – un dispositif du texte leur permet de partir avant l’âge légal. Enfin, le système actuel recelant de multiples inégalités, un certain nombre a été corrigé grâce au travail conjoint des partenaires sociaux, des députés et des sénateurs : plus de 6 milliards d’euros sont ainsi consacrés à de nouveaux droits, pour les mères de familles, les carrières longues, la pénibilité, que l’on a insuffisamment évoqués au cours des débats.
Le groupe Démocrate a porté des éléments forts permettant à la fois d’assurer l’équilibre financier des retraites (à travers de nouvelles recettes, en mettant notamment à contribution le capital), mais également pour corriger certains déséquilibres existant dans le système actuel : l’introduction d’une clause de revoyure permettant d’évaluer là où nous serons en 2027 en terme d’équilibre financier et de besoin du système de retraite lorsque l’âge sera porté à 63 ans, l’amélioration de la situation des mères de famille, avec une prise en compte dans le calcul des pensions de tous les trimestres de congé maternité et une surcôte de 5% pour les femmes ayant leurs trimestres à 63 ans, ou encore des mesures en faveur de l’emploi des seniors.
Etait-ce la réforme que nous appelions de nos vœux ? Non, car nous soutenons au MoDem depuis plus de 20 ans une retraite par points permettant à chacun de décider quand il souhaite partir à la retraite. Etait-ce la manière dont nous aurions souhaité le débat ? Non, car l’absence de diagnostic partagé sur notre système actuel n’a pas permis un débat sur des bases communes. Mais une réforme est indéniablement nécessaire pour assurer la pérennité du financement de notre système de retraite, sans peser doublement sur les générations futures.
Pour autant, ces débats ont eu un mérite : celui de démontrer combien le sujet du travail était au cœur des préoccupations de nos concitoyens. Beaucoup des aspirations portées avaient moins à voir avec la retraite qu’avec le travail. Or, la retraite ne peut pas corriger 40 ans de carrière professionnelle. Et c’est bien au chantier du travail, des carrières, de leur fluidité, la lutte contre les inégalités femmes – hommes, la place des seniors dans le monde professionnel, la prévention de la pénibilité… auxquelles il faut désormais s’attaquer. C’est un immense chantier, et nous ne pourrons le faire qu’ensemble, avec les partenaires sociaux. C’est ce à quoi nous devons désormais nous atteler.